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En 1981, Agnès Varda,« la grand-mère de la Nouvelle Vague », signait Documenteur, une drôle de fiction inspirée par sa vie de femme française élevant seule son fils à Los Angeles. Son propre enfant, Mathieu Demy, alors âgé de 9 ans, y jouait le rôle de Martin, le fils de son héroïne, elle-même incarnée par Sabine Mamou, sa monteuse. En grandissant, Mathieu Demy est resté hanté par ce film « qui se confondait avec (ses) propres souvenirs de jeunesse ». C’est pourquoi il a choisi de se réapproprier le personnage de Martin dans son premier long. Quand l’action d’Americano débute, il vit à Paris, où il apprend que sa mère vient de mourir à Los Angeles. Lorsqu’il se rend sur place afin de régler la succession, des souvenirs d’enfance lui reviennent en mémoire, évidemment extraits de Documenteur (offert en bonus sur le second DVD). Pour parfaire l’illusion, le cinéaste-acteur a retrouvé la maison du quartier de Venice où il avait tourné avec sa mère et a demandé à Grégoire Hetzel, auteur de la musique de son film, de composer des variations autour de la partition écrite par Georges Delerue pour Documenteur.Family BusinessSi ce dispositif émeut, c’est parce que le personnage de Martin adulte se pose toujours autant de questions sur sa mère. Si elle l’aimait, pourquoi a-t-elle voulu léguer son appartement à Lola, une strip-teaseuse et prostituée mexicaine qu’il cherche à retrouver ? Or cette Lola, incarnée par Salma Hayek, en évoque une autre, immortalisée par Anouk Aimée dans le premier long de Jacques Demy, père de Mathieu. Comme si le réalisateur avait dû pour exister se resituer par rapport à la filmographie de ses deux illustres parents. Il s’en explique dans les suppléments, en compagnie d’Agnès Varda. Tandis que sa soeur Rosalie, costumière de son film, fournit un autre témoignage passionnant sur l’art de faire du cinéma en famille.Philippe Rouyer