Après De beaux lendemains, vous revenez à la disparition d’enfants…Je me suis vaguement inspiré d’une histoire que je connais bien… Je viens d’une ville de la côté ouest du Canada où un petit garçon a disparu il y a vingt ans dans une forêt. Le parc est juste à côté de ma maison, je le connais par cœur. Sa mère l’a laissé seul pendant une minute et il a disparu. C’est le cauchemar de tout parent. A chaque fois que j’y retourne, je vois encore des posters de lui affichés partout et je sais que ses parents attendent toujours son retour. Je ne les ai jamais rencontrés mais j’ai lu tout ce qui les concerne. En revanche, j’ai rencontré beaucoup de détectives. C’est très délicat pour eux d’annoncer aux parents qu’ils ont retrouvé un enfant car c’est une heureuse nouvelle -il n’est pas mort- qui implique des conséquences désastreuses. Vous reprenez le thème d’internet en le poussant dans ses effets les plus pervers.Ce qui me fascinait dans le film, c’était de montrer comment on peut revivre un drame dans un présent perpétuel, le ressasser toute sa vie alors que d’autres arrivent à passer à autre chose. Vous avez peut être entendu parler de cette histoire d’une enfant violée qui, devenue adulte, a poursuivi toutes les personnes qui avaient regardé des images pornographiques d’elle diffusées sur internet. Beaucoup de pédophiles ont envoyé de l’argent anonymement à cette femme qui réclamait des dommages, ce qui est très dérangeant en soi. L’idée de la pédopornographie circule dans un présent perpétuel. Les victimes doivent vivre avec l’idée que ces images continueront d’être partagées sans qu’ils puissent avoir aucun contrôle dessus. Il y a à la fois un vrai plaisir de série B allié à un scénario complexe hyper intelligentA partir du moment où on parle d’enlèvement et d’enquête, on doit se confronter à toute une histoire du cinéma qui a déjà été écrite. Je n’avais jamais filmé de poursuite en voiture. Moi, ce qui m’excitait, c’était de faire de ce passage obligé un moment purement viscéral. Ce truck que le personnage de Ryan Reynolds conduit est un sanctuaire dédié à sa fille, il n’a rien touché à la banquette arrière qui est le lieu où Cassandra a disparu, il l’a laissée tel quel, avec tous ses jouets. La présence de sa fille hante ce véhicule, donc quand la voiture des kidnappeurs lui rentre dedans, c’est un vrai sacrilège. On va forcément vous parler de Prisoners, même si Captives le pulvérise…Je trouve le film de Denis (Villeneuve) très fort. Il nous questionne par rapport à la torture de façon très impressionnante. L’univers de Captives est très différent, on ne comprend pas bien comment le réseau pédophile est organisé, tout ça reste flou, on ne connaît pas sa nature ni sa puissance, on voit juste les répercussions psychologiques qu’il inflige aux autres. Captives, c’est de l’art abstrait à côté de Prisoners !Interview Stéphanie LamomeVoir aussi :La conférence de presse de CaptivesLa review de Captives Ryan Reynolds sauvé par Atom Egoyan