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Enfin sorti en France depuis le 8 juin, Baahubali est une stupéfiante et triomphale fresque de fantasy.

Shivudu, un enfant sauvé de la noyade, élevé dans un village situé au pied d'une falaise gigantesque sur laquelle coule des cascades cyclopéennes, se révèle être la réincarnation de Baahubali, un prince guerrier assassiné par son rival. Devenu adulte, le nouveau Baahubali va tenter de reconquérir son royaume situé dans un Moyen-Age indien fantasmé. C'est, globalement, le mouvement qui anime La Légende de Baahubali 1ère partie, blockbuster signé S.S. Rajamouli (dans Eega, son précédent film, un homme réincarné en mouche se venge de son assassin) qui a ravagé le box-office indien à sa sortie en juillet 2015. Et, très clairement, on peut dire qu'il s'agit d'un des films les les plus puissants vus ces dernières années, et qu'il fait passer les récentes grosses productions américaines que l'on aime tant pour d'aimables fanfictions.

De l'imagination à l'écran

2h40 de visions de cinéma complètement ahurissantes, évidentes de beauté : l'enfant porté à bout de bras par sa nourrice noyée dans le fleuve, et qui disparaît quand l'enfant est sauvé ; des scènes de chants et de danses aussi chastes (censure oblige) qu'extrêmement érotiques ; Shivudu, Héraclès indien qui entreprend l'escalade de la falaise -mais genre, elle fait un kilomètre de haut- après avoir découvert le masque d'une femme guerrière ; le combat de l'usurpateur contre un taureau devant son père au bras déformé ; les esclaves qui soulèvent une statue gigantesque ; la scène de bataille finale de quarante-cinq minutes, terrassante. On pense aux plus grands, au Colosse de Rhodes, à Excalibur de Boorman, à Mad Max Fury Road, à A Touch of Zen de King Hu, au Retour du Roi. A ces grandes fresques fantastiques de cinéma-attraction, à la narration purement et exclusivement visuelle qui utilisent le mythe pour lui rendre son sens étymologique de "parole formulée" : les scènes sont tellement délicieuses à voir qu'elles semblent être passées directement de l'imagination à l'écran dans un triomphe de cinéma total qui n'a peur de rien, pas même évidemment de se heurter au nanar et aux énormités visuelles (la bataille finale, bon sang, on se croirait en train d'assister à une partie de Dynasty Warriors). La "parole formulée" de Baahubali est aussi une complexe évocation de la grande tragédie du pouvoir, un récit gigogne (c'est un grand flashback) d'Atrides telugus aux passions et aux pouvoirs exacerbés qui s'étripent au nom de la famille et de l'honneur.

Le cinéma indien est mal distribué chez nous et donc ignoré du grand public. Baahubali sort le 8 juin au Grand Rex de Paris, et sera projeté à partir du 15 juin dans le reste de la France. Star Wars : Le Réveil de la Force est sorti dans une relative indifférence en Inde. Pour comprendre pourquoi les blockbusters américains ne passionnent pas les Indiens, il faut aller voir Baahubali, qui s'achève sur un cliffhanger aussi frappant qu'inattendu, et dont la deuxième partie sortira en janvier 2017 en Inde.