Bird Box - Netflix
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Le film SF porté par Sandra Bullock affole les chiffres, mais pas les cœurs.

Si Netflix a communiqué comme rarement sur la sortie de Roma, on ne saura sans doute jamais combien de personnes ont vu le dernier film d’Alfonso Cuaron, qui avait cristallisé en 2018 le débat autour du cinéma et des long-métrages produits par les plateformes de SVOD. Sont-ce de vrais films s’ils ne sortent pas en salle ? Peuvent-ils concourir au Festival de Cannes ou aux Oscars au même titre que les films de studios ?

Bizarrement (ou pas), Bird Box n’a pas suscité de tels questionnements. Arrivé assez discrètement sur Netflix en pleine période des fêtes de fin d’année, le film post-apocalyptique de Susanne Blier, où Sandra Bullock et ses enfants doivent constamment garder un bandeau sur les yeux sous peine de mort, est pourtant un succès indéniable. Et même carrément un record, puisque 45 millions de comptes ont vu le film lors de la semaine de sa mise en ligne.

Un chiffre impressionnant, corroboré par le buzz généré par le film sur les réseaux sociaux, où toutes sortes de mèmes et détournements sont apparus, et même un Bird Box challenge consistant à reproduire des scènes du film (avec les yeux bandés, donc). Ce qui a généré quelques accidents. Au point que Netflix a dû demander aux fans de calmer le jeu via son compte Twitter.

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Loin d’atteindre le niveau d’Annihilation ou Aucun homme ni Dieu, qui n’étaient pas non plus dénués de défauts, Bird Box offre pourtant un spectacle peu original. Passé un premier acte plutôt excitant, le film de Susanne Bier (Revenge, The Night Manager) se perd dans un scénario et une mise en scènes convenus. La plupart des idées ont déjà été vues ailleurs (citons pêle-mêle Sans un bruit, La Route, Panic Room, Phénomènes ou Annihilation…), et les personnages secondaires sombrent vite dans le cliché, comme celui de John Malkovich qui aurait mérité mieux que ce rôle de vieil aigri égoïste.   

Comment expliquer, dans ce cas, que le film ait rencontré un tel succès ? Un an après Bright, qui avait séduit 11 millions de spectateurs en trois jours à la même période de l’année, Netflix semble avoir peaufiné sa formule. Si on est toujours dans le domaine de la SF, Bird Box est objectivement un bien meilleur film que Bright, qui s’était fait massacrer par la critique. Il a été mis en ligne à une date idéale, et il est porté par Sandra Bullock, une actrice reconnue (et par ailleurs impeccable dans son rôle) et qui, du haut de sa filmographie et de sa cinquantaine, est susceptible de parler aux différentes générations d’utilisateurs Netflix.

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Ce n’est donc sans doute pas innocent si son personnage a vieilli d’une trentaine d’années (Malorie est étudiante au début du livre), ou si celui joué par Trevante Rhodes (Moonlight) a pris de l’épaisseur dans la version film. Ajoutez à cela un sous-texte (un peu flemmard) sur l’entraide et l’ouverture aux autres et une fin plutôt heureuse et vous obtenez un produit culturel calibré pour atteindre sa cible, une œuvre algorithmique plus occupée à cocher les bonnes cases qu’à proposer une idée de cinéma.

Netflix a fini par trouver la recette du blockbuster SVOD, et comme on pouvait le craindre ce n’est pas celle qui produit des grands films.