Robuste
Diaphana Distribution

Rencontre avec la réalisatrice Constance Meyer, qui fait tourner la star dans son film présenté à la Semaine de la critique.

Présenté à la Semaine de la critique, Robuste met en scène Georges (Gérard Depardieu), star de cinéma vieillissante et aigrie, dont le garde du corps/nounou et seul compagnon doit s'absenter durant plusieurs semaines. Sa remplaçante, Aïssa (Déborah Lukumuena), découvre un homme désabusé, avec qui elle va nouer un lien unique. Rencontre avec la réalisatrice Constance Meyer.

Un peu risqué de faire tourner Gérard Depardieu dans son premier film, non ?
Constance Meyer 
: Je connaissais l'animal puisque j'avais déjà travaillé avec lui sur des courts-métrages. Donc l'idée de le faire tourner est venue assez naturellement : j'étais en train d'écrire un scénario qui n'avait rien à voir - un polar -, et puis j'ai commencé à rêver. J'avais beaucoup regardé Déborah Lukumuena dans ses films et son image me restait, j'avais envie de la filmer. Robuste est aussi né d'un désir de faire se rencontrer ces deux acteurs, de filmer leurs corps... Ils m'inspirent.

Qu'est-ce qui vous fascine tant dans la représentation à l'écran de corps différents ?
Je les trouve beaux. Et j'aime filmer la matière, ces corps massifs. Mais rien d'intellectuel là-dedans, c'est purement du désir et de l'attirance. Ce qui me fascine à la fois chez Gérard et chez Déborah et qui, je crois, transparaît dans le film, c'est qu'ils ont un corps robuste mais aussi extrêmement gracieux. Ils ont l'air très très forts, mais ils ont aussi des fragilités qu'ils laissent transparaître. Beaucoup de tendresse et de violence un peu mélangées. Des contradictions qui ont généré chez moi une envie de cinéma.

Il y avait le risque de tomber dans le pathos ou le mélodrame, ce que vous évitez soigneusement...
Ca, c'est un vrai travail. Une exigence d'écriture qui commence dans le scénario et se poursuit à la réalisation et surtout au montage. C'est là que j'enlève tout ce qui peut faire s'étendre un tout petit peu trop les scènes, les faire passer de l'autre côté. J'aime l'ellipse, couper assez franchement. Que les acteurs aient assez peu de choses à dire, mais que chaque mot résonne. C'est important de donner de la valeur aux mots qu'on dit. Si ce n'est pas plus fort que ce qu'on voit à l'écran, autant ne rien dire.

C'est sûrement le meilleur rôle de Depardieu depuis des années. Comment on dirige-t-on un acteur de cette trempe, connu pour être difficile sur un plateau ?
Mettre en scène Gérard, c'est la plus belle chose qu'on puisse souhaiter à une réalisatrice ou un réalisateur. On dit qu'il n'aime pas être dirigé mais ce n'est pas vrai : Gérard veut être dirigé justement parce que c'est un vrai acteur, quelqu'un qui aime être regardé avec un cadre, une mise en scène. Et quand il se sent mis en scène, il est extraordinaire. Il a besoin d'indications, mais des petites choses toutes simples, essentiellement sur le rythme. C'est un génie absolu du jeu et de la façon dont les choses se disent. Il n'y a jamais d'empressement, tout tombe juste, c'est de la musique. Donc il suffit juste d'être à l'écoute. C'est un plaisir inouï de le voir exister comme ça devant une caméra.

Robuste est aussi une réflexion méta sur Gérard Depardieu. C'était l'objet du film ?
Disons que je l'ai observé depuis plusieurs années, et c'est évidemment inspiré de ce que j'ai vu de lui. Ce qui nécessitait qu'il me donne vraiment sa confiance, parce que ça aurait pu être voyeur. On en a parlé, il a vu comment j'allais aborder la chose et à partir de ce moment-là, il n'était pas du tout en train de se jouer lui-même. Il a vu le film avant qu'on vienne à Cannes, et il parle du personnage en disant : « C'est marrant, c'est un mec qui est complètement seul, il est un peu con mais il anime les gens autour de lui. » Pour lui, c'est totalement quelqu'un d'autre !

Mais ça vous amusait de jouer avec l'image qu'il peut donner ?
Oui, beaucoup, mais c'est presque secondaire. Et c'est venu naturellement parce que j'aime bien son côté un peu capricieux. C'est intéressant de voir un homme qui peut être dans le rejet de son propre art. Et qui peut dire : « Non, c'est de la merde ».

Il y a sa fameuse réplique dans le film : « Le cinéma ça rend con ».
Voilà ! Il est dans un rejet assez violent et d'un seul coup, on se rend compte que c'est la seule chose qu'il aime. Moi, c'est ça qui me touche aussi beaucoup chez Gérard. C'est un homme qui a mille vies, que tout intéresse : la littérature, la poésie, la musique, les gens de cultures différentes... Et donc le cinéma, ça le fait chier. Mais sûrement plus le monde du cinéma qu'autre chose. Parce que quand on le voit jouer, on se rend compte que c'est fondamental dans sa vie.

Comment avez-vous su que Déborah allait pouvoir tenir face à lui sans se faire dévorer ?
J'ai organisé une rencontre bien avant le tournage et j'ai juste eu à les voir ensemble - à observer comment ils se regardaient et s'écoutaient – pour comprendre que ça allait fonctionner. C'était un truc vibratoire, il n'y avait même pas de question. On a fait une petite lecture et Gérard a laissé beaucoup de place à Déborah, qui est restée ancrée et a réussi à exister face à lui. Elle est vraiment incroyable parce qu'elle a un socle de jeu très solide et un grand charisme.

Robuste n'a pas encore de date de sortie.