Le décryptage 007 : Au service secret de sa majesté
MGM

Au service secret de sa majesté, de Peter R. Hunt (1969)

Thème : Un instrumental écrit par John Barry. Comme le titre (« On her majesty’s secret service ») était difficile à caser dans une chanson, les producteurs penchent pour un morceau sans parole d’une énergie folle. De quoi contraster avec la douceur de la chanson du film : We have all the time in the world de Louis Armstrong (magnifique mais à côté de la plaque bondienne).

James Bond contre… Le comte de Bleuchamps, alias Erns Stavro Blofeld (Telly Savalas). Sans cicatrice, mais avec un chat, la Némésis de Bond tente de rançonner le monde avec une menace bactériologique d’infertilité lancée par des donzelles hypnotisées. Véridique.

Le film : Comme tout le monde a déjà écrit un peu partout le mal que l’on pensait de George Lazenby, parlons de ce film qui, à bien des égards, est la matrice ratée de Casino Royale. Sean Connery étant sur la touche, les producteurs tentent de continuer la franchise avec un nouveau venu et des concepts inédits. Malheureusement, ils ne peuvent s’empêcher de faire des clins d’œil comme lorsqu’il termine le pré-générique avec ces mots de Lazenby, face caméra : « Ce ne serait jamais arrivé à l’autre gars. » Le générique perpétue cette confusion en montant des images des précédentes aventures et, même quand ils tentent d’être fidèle aux romans de Ian Fleming, les producteurs se prennent les pieds dans le tapis de la continuité des films : comme dans le livre, Blofeld et Bond se rencontrent ici pour la première fois. Malheureusement, dans On ne vit que deux fois (le précédent film), ils étaient déjà face à face.Pourtant, le film ne manque pas de charme en présentant un James Bond amoureux. Sa romance tragique avec Tracy Di Vicenzo ouvre le film, occupe toute une partie du début et le ferme dans une grande noirceur. Un peu comme Casino Royale, plus tard. Malgré ça, l’action n’est pas en reste puisque le style de Peter Hunt, fluide et inventif, accouche de pures scènes d’action dans les alpages suisse : une descente à ski, une en bobsleigh, une attaque en hélicoptère, une poursuite en voiture sur la glace. Malgré toutes les qualités du film, Lazenby jettera l’éponge à la fin de ce Bond sous-estimé.

Oh James ! Un peu par hasard, James suit Tracy Di Vicenzo (Diana Rigg, éternelle Emma Peel de Chapeau Melon et Bottes de cuirs) Il la sauve d’un suicide : « Mon nom est Bond, James bond. » Bizarrement, elle n’en a cure et s’enfuit. Plus tard au casino il lui dit : « Restez en vie, au moins pour ce soir. » Dans la chambre d’hôtel, après une claque et un bisou, il explicitera son allusion. In love, Bond joue les fiancé en pleine grâce sur We have all the time in the world de Louis Armstrong. Mais de retour au boulot, il infiltre une base secrète perchée dans les Alpes suisses où il tombe dans les griffes d’une armée de donzelle esseulée (dont Joanna Lumley future héroïne de... Chapeau Melon et Bottes de cuir et Patsy de la série Absolutely Fabulous). Il retrouvera l’une d’elle (Angela Scoular) dans sa chambre et, de retour dans la sienne, Bond sera à nouveau assailli par une autre entreprenante (Catherine Schelle). Sortie de ce piège à poule, il sauvera sa chérie des griffes de Blofeld en attaquant le repère haut perché. Pas de bobos, prologue : il se marie et part en lune de miel. Sur la route, Blofeld tire sur les jeunes époux. Elle meurt, lui aussi, de chagrin : « Elle se repose […] On n’est pas pressé. We have all the time in the world » pleure-t-il en serrant son corps inerte. Brisé, le Bond.

007ème Ciel À quatre reprises.

Un peu de Moneypenny. Une des scènes étonnantes de ASSDSM est ce regard échangé entre Miss Moneypenny et 007 à son mariage. Elle le regarde avec amour, il lui lance son chapeau, elle pleure. Si cela ne suffit pas à alimenter la thèse d’un flirt poussé entre les deux, il faut savoir que les scénaristes, à l’époque de Dr. No, avaient imaginé un passif entre la secrétaire et l’agent secret. Elle, au bas de l’échelle, lui, encore stagiaire, avaient eu une aventure qu’ils avaient tués dans l’œuf de peur que cela ne nuise à leur carrière. Alors Moneypenny, grand amour de Bond ? On se plaît à rêver que les producteurs l’utilisent prochainement avec Daniel Craig.

Movie Magic Sans conteste, le pugilat sur la plage dans le pré-générique. Certes, l’attaque finale du repère est un grand moment d’action (Bond qui glisse sur la glace en tirant, un must) mais cette séquence douce, baignée dans une lumière obscure, est une grande peinture symbolique de ce que sera le film par la suite. Alors l’action démesurée, c’est bien mais l’amour dans tout ça ?

Bondologie La devise que l’on invente au blason de James Bond est « Le monde ne suffit pas », titre du 19ème James Bond avec Pierce Brosnan. Plus tard dans L’Espion qui m’aimait (1977) et Permis de tuer (1989), le veuvage impossible de Bond sera évoqué. Et d'une certaine manière, Casino Royale reprend la même trame.

La réplique bondienne Dans sa chambre, en nuisette ouverte, Tracy Di Vincenzo tient en joue James Bond : « Et si je voulais vous tuer, juste pour le plaisir ? -Je vois d’autres façons plus sociables d’en obtenir. »