The Dissident : ''Ce serait dingue de se dire qu’on va faire arrêter un dirigeant en faisant un film''
Dark Star

Rencontre avec le réalisateur Bryan Fogel, qui signe un nouveau docu-thriller choc, quatre ans après son Oscar pour Icare.

Quatre ans après Icare, formidable documentaire sur le dopage dans le cyclisme, The Dissident arrive en VOD et c'est un incroyable docu-thriller qui revient sur la mort de Jamal Khashoggi, le dissident saoudien. Bryan Fogel nous raconte les coulisses de ce film choc dans le Première d'avril 2021 (en kiosques la semaine prochaine). En attendant la publication de l'interview complète, voici trois questions au réalisateur.

Icare était un buddy movie, un documentaire sur le dopage et un vrai thriller. De la même manière, The Dissident mélange le film de complot, la love story, le portrait d’un militant et documentaire sur le pouvoir saoudien... Quel est l’aspect du film qui compte le plus pour vous ?

L’histoire dans son ensemble. Le fond du film pour moi, c’était de révéler une vérité à laquelle, autrement, le monde n’aurait peut-être pas eu accès. The Dissident est un tombeau pour Jamal, mais c’est aussi un témoignage pour Hatice, et Omar. Et évidemment c’est un témoignage qui projette une lumière très crue sur ce qui se passe dans le monde actuellement. Ce qui se passe avec l’administration Biden juste au moment où on se parle est intéressant. Ils viennent de rendre public des archives tout en refusant de poursuivre MBS. Ca rend l’histoire plus pertinente aujourd’hui que quand on l’a terminé il y a un an. Rien n’a changé !

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Au fond, c’est quoi l’objectif de vos films ? Créer un électrochoc pour que les choses changent ?

Ce serait fou de faire un documentaire en partant avec cette idée-là. Ce qui m’intéresse, ce sont les histoires qu’on ne raconte pas. Je ne me lance pas dans un film avec l’ambition de faire bouger les consciences ou de changer les lois. Vous imaginez le truc ? Non, quand j’ai commencé The Dissident, l’idée c’était de raconter le sort de Jamal. Et de le mettre en scène de manière à frapper les esprits. Comme j’avais accès aux sources, je devais aller au-delà de ce qu’avaient raconté les journaux. J’ai une approche de storyteller quand je me lance sur un projet. Ce serait dingue de se dire qu’on va faire arrêter un dirigeant en faisant un film. Aussi dingue que de faire des films dans le seul but d’avoir des prix. Qu’Icare ait réussi à changer les choses, c’est fabuleux, mais c’était au-delà de mon contrôle, et de mon pouvoir en fait. Je ne peux pas penser à ce genre de choses quand je bosse sur un film. Ce serait paralysant. Et ce serait une source d’erreur...

Vous dites souvent en interview que vous avez été surpris d’apprendre que Netflix (et Amazon) avait finalement refusé de distribuer The Dissident. Vu le sujet, vous ne vous en doutiez pas en le faisant ?

Non, je ne pouvais pas le prévoir. Il y a une grande différence entre le business de ces entreprises et la possibilité de dire ses quatre vérités au pouvoir. Et ça je m’en suis vraiment aperçu après la réalisation de The Dissident. On vit une période de globalisation économique intense. Il y a quelques années, avant que les services de streaming deviennent à ce point globalisés, il y avait d’autres moyens de distribution. Et le Covid a encore accéléré les choses. Ne vous méprenez pas : j’adore Netflix ! C'est génial pour un cinéaste de voir son contenu massivement distribué dans tous les coins du monde. Mais on voit bien que c’est compliqué pour des films qui sont plus politiques ou dont le sujet est controversé d’exister dans ces nouvelles conditions. Ces plateformes regardent tout à travers un prisme globalisé. Leur contenu doit être accepté aussi bien par le Pakistan que par les Etats-Unis ou le Brésil, par la Chine comme par la Russie. Et... bon... ce n’est pas vraiment le cas du Dissident. Mais je ne vais pas me plaindre : j’ai un super distributeur français qui a réussi à montrer le film…


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