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Le réalisateur du reboot féminin du film culte d’Ivan Reitman ne veut pas salir nos souvenirs d’enfance. Il veut changer l'industrie.

« Honnêtement, je pensais que tout le monde allait trouver ça marrant. Je n’avais aucune idée de la tempête qu’on allait déchaîner ». Des centaines d’insultes, de menaces de mort et 900 000 dislikes plus tard, Paul Feig a une vision plus lucide de la galère dans laquelle il s’est embarqué. La responsabilité du film à la fois le plus attendu et le plus redouté de l’année (Le Réveil de la force est sorti en 2015…), d’une polémique sexiste radioactive, du blockbuster Sony de l’été. De quoi être un poil nerveux.

Passé à côté du culte

Pourtant, si Feig s’est lancé dans cette aventure, c’est juste parce qu’on lui a proposé. Ce n’était pas son « dream project », le film pour lequel il est né, mais juste un projet que Hollywood lui a mis entre les mains. D’ailleurs, le réalisateur de Mes meilleures amies est complètement passé à côté du culte S.O.S Fantômes. « J’avais 22 ans quand j’ai vu le film pour la première fois. Je n’ai pas grandi avec, et je n’avais pas réalisé que toute une génération avait grandi avec ». En dépit de (ou grâce à) l’absence de lien séminal, son Ghostbusters entretient un rapport incroyablement révérencieux à l’original. Tout y est, Ecto 1, le Slime, le logo, les proton packs, New York… SOS Fantômes 2016 s’aligne sur son matériau d’origine jusque dans sa structure : sa scène pré-générique ne semble exister que pour pouvoir balancer le tube de Ray Parker Jr. et entrer réellement dans le film. « On ne peut pas imaginer SOS Fantômes sans cette musique. Un ami à moi a réalisé un remake de Max la menace (Peter Segal, 2008), que j’adore, mais quand je me suis installé devant le film, je n’avais qu’une hâte c’était d’entendre la chanson, c’était ça qui allait me plonger dans le film. J’ai attendu, attendu et… elle n’était pas dedans ! C’est comme si le film n’avait jamais commencé. C’était trop frustrant. Pour moi c’était une évidence : on allait faire la scène d’ouverture, et puis boom, balancer la chanson. C’est grâce à elle qu’on se dit ‘wahou, c’est SOS Fantômes !’ ».

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La nouvelle dream team

S’il n’était pas un fan de la première heure, Feig connaissait tout de même ses canons, qu’il a listés avec sa co-scénariste avant même de commencer à écrire ; la liste de tout ce qu’il serait impensable de ne pas retrouver dans un remake de SOS Fantômes. Et effectivement, tout y est, y compris le gang, ce gang de quatre underdogs réunis par leurs croyances pour sauver le monde et, accessoirement, nous faire marrer. Mais il n’aura échappé à personne que le casting a changé de sexe. Ça faisait des années qu’une suite du film de Reitman traînait dans les cartons, un script a même été écrit en 2008, qui imaginait comment les anciens formaient une nouvelle équipe de chasseurs de fantômes. « Mais ça ne marchait pas estime Feig. Dans la mesure où Bill Murray ne voulait pas faire le film et où Harold Ramis n’était plus là, l’histoire se réduisait aux personnages de Dan et Ernie en train de former une nouvelle équipe ». Et personne n’avait envie de voir ça. Non, la seule manière de faire était de tout recommencer. D’imaginer non pas une suite mais un reboot, porté par le meilleur de la comédie actuelle comme le casting d’origine réunissait le meilleur de la comédie des années 1980. « Il fallait trouver la nouvelle dream team, les gens les plus drôles d’aujourd’hui. Et il se trouve que les gens les plus drôles que je connaisse sont des femmes ». Il n’y a qu’à regarder sa filmo. Le film qui a relancé sa carrière (Mes Meilleures amies, 2011) est considéré comme la meilleure comédie féminine de l’histoire récente et Melissa McCarthy, sa protégée avec qui il a tourné deux fois depuis, comme une de ses grandes représentantes. C’est elle qui emmène son SOS Fantômes, dans un registre plus sobre que d’habitude puisque l’énergie comique est répartie entre les quatre rôles féminins à parts à peu près égales. Inutile de tenter de savoir qui est qui par rapport à l’original (qui tient le rôle de Venkman, qui est plutôt Stantz…) car chacune perpétue un peu de l’esprit Ghostbusters à sa manière - c’était l’autre avantage du casting féminin, s’émanciper des inévitables comparaison au film d’origine.

Subvertir Hollywood

Pour ce promoteur de la gente féminine, il ne s’agissait pas de défier toute une génération de mecs qui avaient grandi avec des proton packs sur le dos - « je ne dis surtout pas que les adversaires du film sont tous misogynes, on m’a souvent mal compris sur le sujet ; il s’agit surtout de passionnés qui sont inquiets qu’on touche à leurs souvenirs d’enfance » (après des mois de guerre médiatique, le cinéaste a un peu ajusté son discours). Mais de faire ce qu’il sait faire et, au passage, prouver à Hollywood qu’on peut miser sur des femmes, pas forcément belles, pas forcément jeunes, pas forcément blanches… « Je n’étais pas partie pour subvertir quoi que ce soit » affirme-t-il la main sur le cœur. Avant de préciser : « la seule chose que j’essaie de subvertir, c’est Hollywood, qui n’offre pas de rôle digne de ce nom aux femmes. J’avais envie de faire ce film surtout pour prouver à Hollywood qu’on peut faire un blockbuster porté par un casting féminin. C’est très important pour moi.
Evidemment, j
’aimerais bien avoir un film qui marche aussi, pour une fois ».

Verdict à partir d'ajourd'hui en France.