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C'est un surprenant coup de gueule qu'a poussé Michel Boujenah.Le comédien de 62 ans, lauréat d'un César pour Trois Hommes et un couffin, ne supporte plus son étiquette de "juif tunisien de service" et l'a fait savoir dans l'émission Drôle de rencontre, sur RTL. Alors qu'il s'est fait connaître en 1980 avec son one-man-show Albert, dans lequel il joue un Tunisien juif fraîchement immigré en France, personnage qu'il a repris à plusieurs reprises en forçant son accent, Michel Boujenah s'est indigné : "Tout de suite, on m'a cata­lo­gué, on m'a remis une étiquette, l'étiquette que j'avais quand j'avais 12, 15, 16, 17 ans… Je suis devenu le juif tuni­sien de service, ils m'ont refait souf­frir encore".Une souffrance qui remonte son arrivée douloureuse en France, source de complexes : "Quand on arrive en France à onze ans, qu’on a un défaut de langue et qu’on a un accent tuni­sien à couper au couteau, on se moque de vous ! Je ne suis pas le fils d'un poète chilien en exil poli­tique en France, je suis un petit juif tuni­sien qui arrive à Paris, ça n'a rien à voir. Je n’ai pas le pres­tige."Mais à qui donc Michel Boujenah en veut-il autant ?"La liste est trop longue, prévient-il. Le jour où je m'arrê­te­rai, dans 10–12 ans à peu près, je dirai exac­te­ment ce que je pense. Pour l’ins­tant, je ne dis pas ce que je pense encore, mais le jour où je n’au­rai plus la peur de ne pas remplir mon théâtre, le jour où je ne serai plus invité nulle part, je vais vous massa­crer, tous. Je vais vous dire ce que je pense !"Furieux contre les médias, l'industrie du spectacle et du cinéma ("Je les emmerde ![…]Vous n’avez jamais eu envie de dire à des gens ce que vous pensiez ? Qui n’a pas eu envie un matin de dire 'mais toi t’es un connard ! Tu peux mourir, je serais content !' ?"), le comédien est également blessé par le manque de reconnaissance.Citant la cérémonie des Molières, qui récompense chaque année le meilleur du théâtre, celui qui aurait voulu "jouer Roméo à 20 ans et Le Roi Lear à 60" déplore : "Même si je m’en fous, même si j’ai le public, vous croyez que je n’ai pas de peine par exemple de ne pas être nommé aux Molières ?! Ça fait 36 ans que je fais ce métier, je ne mérite pas qu’ils me disent 't’as bien travaillé' ?! C’est dégueu­lasse ! Ça me fait de la peine !".