Docu Netflix sur DSK : Chambre 2806
Netflix

Le documentaire événement sur l’affaire DSK de mai 2011 est disponible sur Netflix depuis le 7 décembre. Cette série en quatre épisodes pose plusieurs questions tant sur sa forme que sur son contenu.

Il aura fallu deux ans et demi de travail pour réaliser ce documentaire titanesque (4x45 minutes) qui réunit un nombre considérable de témoignages sur l’accusation de tentative de viol et d’agression sexuelle portée par Nafissatou Diallo contre Dominique Strauss-Kahn. Produit par Philippe Levasseur et Sophie Paliès de Capa Presse pour Netflix, et réalisé par Jalil Lespert, Chambre 2806 : l’affaire DSK regorge, en effet, de « dépositions ». Enchaînant les interviews du personnel du Sofitel – notamment son chargé de sécurité- des avocats des deux parties, des policiers, des politiciens, des collaborateurs au FMI, le documentaire retrace le parcours de DSK et les événements de mai 2011 façon puzzle. Au départ, on est étonné devant le nombre d’intervenants – tous sauf DSK- que les producteurs ont réussi à convaincre. Mais rapidement, on se rend compte qu’on n’apprend rien de plus de ce qu’on ne savait déjà. Pire, en voulant respecter la « neutralité » d’une affaire -qui s’est soldée par une non condamnation-, le documentaire entretient un faux suspens sur les allégations des uns et des autres.

Il est très moralement discutable de faire un cliffhanger pour passer d’un épisode à l’autre sur les théories du complot ayant fusé à l’époque, dont l’une voulait que Nafissatou Diallo ait été envoyée dans la chambre par Nicolas Sarkozy qui cherchait à faire tomber son adversaire politique. Reste le témoignage clé de Nafissatou Diallo. Sa parole est rare depuis 9 ans, donc ça reste un beau coup journalistique. Mais dans son interview, elle ne va pas plus loin que ce qu’elle racontait à Paris-Match en septembre dernier. De plus, la mise en scène de la rencontre – avec des « stop and go » et des grands plans vus d’en haut de l’intérieur de la méga-église où elle se confie, est parfois gênante.

Certes, Chambre 2806 : l’affaire DSK ressemble énormément aux docus de reconstitution d’affaires criminelles dont les Américains sont friands : gros plans sur la porte de la chambre, images de caméra de sécurité passées en boucle, appel à la police, musique omniprésente, répétitions. Mais, en l’occurrence, neuf ans après les faits, on était en droit d’attendre autre chose. Là où le film commente la chute d’un homme de pouvoir -passant la moitié du premier épisode à expliquer comment DSK était destiné à devenir le prochain président de la France-, on espérait une véritable analyse de l’affaire. Certains témoignages louant le pouvoir de séduction de l’homme politique paraissent totalement hors de propos. Il est même glaçant d’entendre les anciens ministres Jack Lang et Elisabeth Guigou vanter ses multiples qualités. Il aurait été plus judicieux -aujourd’hui que la parole des femmes est plus largement écoutée- de comprendre comment le témoignage de la femme de ménage a soigneusement été sapé. Il aurait été intéressant de revenir sur l’omerta qui entourait les affaires de mœurs des personnes de pouvoir. La conclusion qui fait de cette affaire l’étincelle pré-Me Too (ajoutant dans la sauce le dépôt de plainte de Tristane Banon et l’affaire du Carlton) laisse un goût amer, tant on a plutôt l’impression que 2011 appartient au siècle dernier.

Chambre 2806 : l’Affaire DSK est diffusé sur Netflix

Ecoutez les producteurs du documentaire, Philippe Levasseur et Sophie Paliès, expliquer les coulisses du film :