michael douglas carrire
DR/Netflix

De son premier rôle culte à la télévision à son retour au petit écran dans La Méthode Kominsky, en passant par son cancer, l'acteur de 74 ans nous raconte son parcours dantesque.

Il est désormais redevenu une star de séries télé. Après avoir faits ses débuts dans Les Rues de San Francisco, il y a 50 ans, Michael Douglas est actuellement la vedette de La Méthode Kominsky (dont la saison 2 arrivera à la fin de l’année sur Netflix), sacrée aux derniers Golden Globes. Invité d’honneur du 59e festival de télévision de Monte Carlo, l’acteur a retracé avec bonheur son incroyable carrière, d’hier à aujourd’hui, sur le petit comme sur le grand écran.

Quelle est votre vision de la télévision d’aujourd'hui ?
Michael Douglas 
: Quand on a voulu faire Ma Vie avec Liberace, aucun studio de cinéma n'a eu envie de s'aventurer dans un tel projet. Personne n'en voulait. Alors c'est finalement HBO qui en a fait un film pour la télévision. Un film qui a été incroyablement bien reçu par la critique et le public. Du coup, ça m'a fait réfléchir : quand vous voulez faire des choses indépendantes, trop pour une sortie grand public au cinéma, il y a la télévision et désormais le streaming. C'est un cadeau du ciel pour les créateurs qui veulent faire quelque chose qui prend du temps, développer des personnages, une œuvre qui n'a pas forcément le tempo frénétique d'un Marvel comme Ant-Man.

C'est ce qui vous a motivé à accepter La Méthode Kominsky ?
Chuck Lorre est arrivé avec ce beau projet, pour Netflix, et c'était effectivement une très belle opportunité de faire mon retour à la télévision. Dans une comédie sans publicité, dont les épisodes peuvent faire 20, 30 ou 40 minutes, cela n'a pas d'importance... et du coup je me retrouve ici au Festival de Télévision de Monte Carlo, à recevoir ce prix qui honore une espèce de cycle de 50 ans, de mes débuts télévisuels (dans Les Rues de San Francisco) à aujourd'hui.

kominsky de vito
netflix

Dans un épisode de Kominsky, vous retrouvez votre vieux camarade de jeu Danny de Vito. Comment c'était sur le tournage ?
Comme il joue un urologue qui me fait examen de la prostate, il a adoré ce rôle. Il s'est beaucoup marré. Tout le plateau a beaucoup rigolé ce jour-là. Mais Danny est un très vieil ami. On était colocataire dans notre jeunesse, à New York, juste après la fac. On était peu un "vieux couple". Après je suis parti en Californie, mais on est encore très proche.

Sandy Kominsky, c’est un rôle comique, très drôle. Un vrai rôle de comédie. C'est une des raisons qui vous ont incités à y aller ?
C'est l'une des raisons qui m'ont attiré au départ, oui. Je ne suis pas vraiment connu comme un acteur de comédie. J'ai fait À la poursuite du diamant vert, La Guerre des Roses ou Wonderboys. Quelques rôles comme ça... Mais pas plus. Alors j'étais vraiment emballé par cette opportunité, d'avoir ce nouveau challenge à relever dans ma carrière. C'est un peu la même chose avec Ant-Man. Ce qui m'a excité, c'est que je n'avais jamais joué dans ces films tournés sur fond vert auparavant. J'avais envie de voir comment c'était.

Qu'est-ce qui a changé sur le petit écran, avec le streaming notamment ?
Déjà, quand j'ai commencé, il n'y avait que deux ou trois chaînes. Aujourd'hui, dans tout le pays, chacun peut recevoir des centaines de chaînes. Et puis la différence du streaming, c'est que les gens payent un abonnement ! Ce ne sont plus les pubs qui payent une série. Sur les chaînes classiques, on fait des séries pour les 18-49, pour toucher la cible des annonceurs qui payent les séries. Sur Netflix, par exemple, les séries sont payées par l'abonnement et de cela découle bien plus de libertés pour les créateurs. Sans parler du fait que Netflix sort chacune de ses séries simultanément dans le monde entier, dans 40 langues différentes. Ils prennent le temps de tout doubler.

Et c'est important pour vous d’être bien doublé à l’étranger ?
Au cours de ma carrière, à chaque fois que je me déplaçais à l'étranger, j'ai pris soin de toujours inviter à déjeuner le comédien qui faisait ma voix dans le pays en question. Parce qu'il joue un rôle majeur. J'aime raconter d'ailleurs cette histoire qui m'est arrivée, quand j'ai reçu mon premier prix, pour Les Rues de San Francisco. C'était les Bambi Awards en Allemagne. Alors que je montais sur scène pour faire mes remerciements, j'ai vu le public devant moi, dans la salle, commencer à murmurer : « Was ist das ? » Je me suis renseigné et en fait, c'était parce qu'en version allemande, j'étais doublé par une grosse voix sexy germanique. Et moi, en vrai, je sonnais comme une petite souris ! Depuis, j'ai un respect immense pour les acteurs de doublage...

Comment est-ce que vous choisissez vos rôles aujourd'hui ?
Pour moi, ce qui compte le plus, c'est l'histoire, le scénario, le matériel principal. J'ai commencé au théâtre, avec de jeunes auteurs, et on servait leurs pièces ! Du coup, tout en revient encore à ça pour moi aujourd'hui. Si le script est bon, peu importe le rôle que j'ai dedans, je préfère un petit rôle dans un bon film qu'un grand rôle dans un mauvais ! Tellement d'acteurs, de nos jours, tournent les pages des scripts en cherchant seulement leur rôle…

Quel conseil vous a donné votre père, Kirk Douglas, quand vous avez débuté votre carrière ?
Le seul conseil qu'il m'a donné, si je peux le dire, c'est un peu la philosophie de Randall Patrick McMurphy dans Vol au-dessus d'un Nid de coucou : « Fais de ton mieux. Essaye à fond. Et puis fuck ! » C'est l'idée : donne tout ce que tu as, ça marche ou pas, et puis passe à autre chose. Tous mes enfants, que ce soit Dylan ou Cameron, ils veulent être acteurs. Et dans ce monde à l'avenir incertain, dans ce monde où l'on ne sait pas de quoi le travail sera fait en 2025, avec l'intelligence artificielle et tout ça, je me dis que finalement, les arts dramatiques ne sont pas si mal (rires). Ca ressemble à une vraie carrière aujourd'hui ! C'est un job qui, lui, existera toujours dans le futur.

vol au dessus coucou
united artists

En parlant de Vol au-dessus d'un Nid de Coucou, que vous avez produit, et qui vous a valu l’Oscar du Meilleur Film, que gardez-vous du réalisateur Milos Forman, décédé il y a un an ?
C'était vraiment une perte terrible... Son départ m'a rappelé brutalement à quel point on vieillit tous. Je me souviens qu'à l'époque, avec mon co-producteur Saul Zaentz, on faisait passer des entretiens pour trouver un réalisateur à Vol au-dessus d'un Nid de coucou. On était un peu déçu parce qu'ils étaient tous très discrets, ils ne disaient rien, ils ne partageaient rien avec nous...  Et puis Milos est arrivé, de New York, dans ma maison de Los Angeles. Il s'est assis. Il a ouvert le script à la première page, et il nous a parlé, page après page, de ce qu'il avait envie de faire de chaque scène (sa gorge se noue et sa voix se fait tremblante) Je me souviens à quel point Saul et moi étions enthousiasmés par cela. On était vraiment heureux que ce réalisateur partage avec nous et comprenne à quel point ce projet était spécial. Milos a décroché le job ainsi, sans discussion. C'était pour lui !

Comment est-ce que vous avez géré les échecs, dans votre carrière ?
Je ne crois pas avoir jamais baissé les bras... Le truc, c'est qu'il faut digérer les échecs avec la même mesure que les succès. Il faut essayer de les comprendre, si ça vient de la réalisation, de mon jeu, du marketing... Mais un peu comme un chagrin d'amour, il faut apprendre à vivre avec et à ne pas se laisser bouffer par lui. Après, comme mon père était une star de cinéma, tout le monde disait que mes succès étaient liés à cela. Sauf qu'en fait, le nombre d'acteurs de la deuxième génération, qui ont rencontré le succès, ne sont pas si nombreux ! Ce qui est dur, c'est d'établir sa propre identité. Et ça m'a pris un certain temps avant de trouver la mienne, devenir ce sale type que les gens apprécient (rires) !

Est-ce qu'on peut dire que Ma vie avec Liberace a été un moment charnière dans votre carrière, juste après avoir vaincu un cancer ?
Oui, on peut dire ça ! Avant de faire ce film, je pensais que je ne pourrais plus jamais joué. J'avais peur d'avoir perdu ma voix, d'avoir perdu ma place. Et puis ce script génial est arrivé. Cela m'a redonné une énorme motivation. Jusqu'au moment où Steven Soderbergh m'a dit qu'il avait d'autres projets en cours et que cela n'allait pas se faire avant un an ou deux. Matt Damon aussi était trop occupé. Alors je me suis dit que ça n'allait jamais se faire. J'étais dépité. En fait, ce que je n'avais pas réalisé, c'est qu'ils avaient reporté le tournage pour moi. J'étais tellement heureux d'avoir survécu, que je ne m'étais pas rendu compte que j'avais perdu 20 kilos ! Je ne ressemblais clairement pas à Liberace. Du coup, ils m'ont laissé une année pour me remettre en forme et je leur en serais éternellement reconnaissant.

liberace
hbo

Parlons de votre première série à succès, Les Rues de San Francisco. Quels sont vos souvenirs de tournage, avec votre partenaire à l'époque, Karl Malden ?
Ce dont je me souviens surtout, c'est que lors de mon tout premier jour de tournage, on filmait tout en haut de Nob Hill, une colline de San Francisco. J'étais encore dans ma loge, on était un peu en retard et Karl est venu frapper à la porte. « On doit y aller, le jour va bientôt se coucher, il faut qu'on aille tourner maintenant ! » Alors je me suis précipité hors de ma loge, j'ai sauté dans notre voiture de police. J'étais persuadé d'être un vrai bon pilote. Karl était assis à côté, il devait mettre le gyrophare sur le toit de la voiture. On démarre, j'appuie sur le champignon, on fait le tour du pâté de maison, on arrive en haut de la colline… et puis soudain ma voiture se retrouve propulsée dans les airs. Elle fait un saut gigantesque. Je me souviens être en apesanteur, je tourne la tête pour regarder Karl. Il me regarde. Et la voiture retombe violemment sur la route. Heureusement, j'ai pu remettre les roues droites et l'arrêter. Karl sort de la voiture. Il était furieux ! Je suis convaincu, à cet instant, que je vais me faire virer. Il commence à me crier dessus et finit par me dire : « Ce n'est pas comme ça qu'on conduit dans les films ! Je retourne à ma caravane pour changer de caleçon ! »

Qu'est-ce que vous avez appris de lui ?
Il faut préciser que Karl Malden était originaire d'une petite ville ouvrière de l'Indiana. Il savait la chance qu'il avait d'être ici, d'être un acteur. Il m'a appris ça. A quel point on était chanceux. Et dès qu'on avait 5 minutes, on bossait sur le script de l'épisode suivant. Du coup, les scénaristes nous détestaient. On prenait les choses en main et ainsi, quand des guest stars arrivaient dans la série, ils savaient qu'on était vraiment des pros. Je lui serais à jamais reconnaissant de m'avoir inculqué cette éthique de travail. Il savait faire ressortir le meilleur de ses co-stars, et il n'avait pas peur de cela.

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Vous avez toujours été investi en politique. Qui voyez-vous face à Donald Trump pour la prochaine élection ?
Je suis Démocrate, effectivement. Et je n'ai pas encore tranché concernant le candidat que je vais soutenir (pour les Primaires). Il y a chez Joe Biden une certaine continuité qui plaît. Mais tandis que notre parti va de plus en plus sur sa gauche, je dois dire que j'ai été très impressionné par Pete Buttigieg, ce maire d'une petite ville de l'Indiana. Je l'ai rencontré personnellement. C'est un très bon orateur, qui remplit toutes les cases pour le job. Et j'apprécie aussi la manière dont Elizabeth Warren parle de politique. Ces Primaires sont prometteuses, excitantes.

Quels sont les films dont les fans se souviennent le plus, quand ils vous croisent ?
Curieusement, on me parle souvent de Chute Libre (1993). Mais aussi d'A la Poursuite du Diamant vert, évidemment, et de The Game, de David Fincher. Et puis les garçons aiment toujours me parler de Liaison fatale ou Basic Instinct... ou Wall Street. Ils me sortent des trucs du genre : « Hey, you're the Man ! » (rires)