Toutes les critiques de The Gentlemen

Les critiques de Première

  1. Première
    par François Rieux

    Après plus de dix ans d’errance, excepté le solide diptyque Sherlock Holmes, Guy Ritchie revient à ses premières amours : le film de gangsters choral et furibard. Un retour que l’on n’attendait plus. Ça faisait une sacrée paye qu’on n’avait pas eu de ses nouvelles en direct des bas-fonds londoniens où sévit la petite criminalité à l’accent cockney. Ces combinards poissards, grotesques mais attachants s’évertuant à foirer leur business plan pour quelques billets dont ils ne verront jamais la couleur. La dernière fois, c’était en 2008 pour RockNRolla, entre un club transpirant et un terrain de golf impeccable. Il était question d’un tableau volé, d’une rockstar disparue, de branleurs avides d’oseille et de mafieux russes indestructibles. La routine, quoi. Puis, plus rien. Si : une pantalonnade d’espionnage, un remix du mythe de la Table ronde et la caverne d’Aladdin. Une page s’était tournée. Comme un adieu. Mais heureusement, Ritchie est de retour aux affaires. Et c’est du sérieux. Homme de main taciturne, journaliste véreux, amants diaboliques, mafieux (chinois cette fois-ci), voyous surentraînés et forêt luxuriante de marijuana... Il fallait bien tout ça sur la table pour que Guy Ritchie prouve qu’il n’est pas revenu pour ricaner. Le réalisateur a un titre à récupérer. Quoi de mieux que de revenir aux sources et retrouver l’énergie des débuts ?

    TOUT DE TWEED VÊTU
    The Gentlemen s’inscrit dans la lignée d’Arnaques, crimes et botaniqueSnatch et RockNRolla. Sa trilogie informelle célébrant l’association de malfaiteurs tout en érigeant l’idiotie au rang d’art. Il y a toujours eu un décalage chez Ritchie : la figure du gangster n’est jamais fantasmée et omnipotente. Sous la houlette du cinéaste trendy, les margoulins ont des allures de petites crapules sorties d’un Cheech & Chong à la sauce fish & chips. Des débrouillards, plus ou moins crétins, versions ratées de Michael Caine dans La Loi du milieu. Comme Matthew McConaughey, qui grâce à The Gentlemen réitère une nouvelle résurrection artistique. L’expatrié texan trouve ici un rôle plus anglais qu’un Anglais de souche. En baron de la drogue, tout de tweed vêtu, il s’impose comme l’übergangster selon saint Ritchie. Un lion vieillissant devenu la proie de plus gros prédateurs voulant le détrôner, l’arnaqueur arnaqué qui déchaîne sa vengeance comme il prend le thé. Un héros purement ritchien que n’aurait pas renié l’ex-pygmalion du cinéaste, Jason Statham, s’il n’avait pas fait sa place (et son beurre) dans les films d’action bourrins.

    JOYEUX FOUTOIR
    L’autre force du cinéma de Guy Ritchie, aux côtés de sa galerie de personnages pittoresques et azimutés, a toujours été cette capacité à partir dans tous les sens tout en contrôlant ses dérapages. Les récits du cinéaste sont aussi complexes à suivre que la timeline du Marvel Cinematic Universe. Un chaos organisé, passant du coq à l’âne, ou plutôt de la coke aux armes, zigzaguant comme le pilier du pub d’à côté qui a enchaîné trop de pintes de Guinness. Dans The Gentlemen, Guy Ritchie corse encore un peu plus le jeu, ajoutant un délire méta de film dans le film. Une mise en abyme fumeuse où l’on apprend le déroulé des événements en même temps (voire parfois en avance) que ses propres protagonistes obnubilés par leurs intérêts financiers. Le film se crée devant nos yeux. Une technique alambiquée qu’utilise le réalisateur pour prouver à nouveau qu’il est le crack des intrigues entremêlées et faire oublier par la même occasion les récents films indigestes qu’on semble lui avoir commandés (avec un flingue sur la tempe ?). En retournant aux origines de son cinéma, Guy Ritchie retrouve tout son panache d’antan, époque faste et créative où ses détracteurs ne voyaient en lui qu’un décalque british de Quentin Tarantino. Qu’on se le dise, il est bel et bien de retour à son meilleur... Et on espère qu’il gardera la couronne pendant longtemps.