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En intégralité, le discours plein d'émotion de Xavier Dolan recevant le Grand Prix du 69ème festival de Cannes 

Xavier Dolan récidive. Après son émouvant discours prononcé au moment de recevoir le Prix du Jury pour Mommy lors du festival de Cannes 2014, cette année, c'est après avoir récupéré le Grand Prix pour Juste la fin du monde que le jeune cinéaste québécois s'est livré à un speech plein de fougue et d'émotion.    

"Ca va être très difficile

Merci au Festival de Cannes à Thierry Fremaux, à Christian Jeune, à Nancy Grant mon amie, ma productrice, ma confidente.

Merci à Anne dorval de m'avoir fait découvrire cette pièce

Merci Max, mes amis, ma famille (avec qui grâce à dieu je m'entend beaucoup mieux que mon protagoniste avec la sienne)

Merci à tous ceux qui ont fait de ce film une réalité, mes agents, les producteurs, les distributeurs, les agents de vente à l'internationale. 

Vous vous connaissez.

Merci au jury, merci d'avoir ressenti l'emotion du film. Thank you for feeling the emotion of the film.

L'émotion ce n'est pas toujours facile.

Il n'est pas toujours facile de partager ses émotions avec les autres. La violence sort parfois comme un cri ou comme un regard qui tue. En partant d'un matériau fort, qui est Juste la fin du monde du grand Jean-Luc Lagarce que j'espère tellement ne pas avoir déçu où qu'il soit, j'ai tenté au mieux d'extraire un film puis de raconter l'histoire et les émotions de personnages parfois méchants, parfois criards, mais surtout blessés et qui vivent comme tant d'entre nous, comme tant de mères, de frères, de sœurs, dans la peur, dans le manque de confiance, dans l'incertitude d'être aimés.

Tout ce qu'on fait dans la vie, on le fait pour être aimé. Moi en tout cas oui. Pour être accepté. Les personnages de Lagarce magnifiquement imaginés par lui et si humainement joués et incarnés par Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Lea Seydoux, Vincent Cassel, Marion Cotillard n'y échappent pas. Plus je grandis, plus je réalise qu'il est difficile d'être compris, et plus paradoxalement je me comprends moi-meme et je sais maintenant qui je suis.  

Votre témoignage, votre compréhension, votre amour ce soir, me laissent croire qu'il faut faire les films qui nous ressemblent. Avec le cœur, à l'instinct et sans compromis, sans céder à la facilité. Meme si l'émotion est une aventure qui voyage parfois mal jusqu'aux autres, elle finit toujours par arriver à destination.

Elle n'arrivera jamais par contre à mon ami François Barbeau un grand chef costumier que vous ne connaissez peut etre pas, mais qui lui vous connaissait tous et qui vous suivait tous. Un grand chef costumier, un grand artiste qui détesterait que je le cite et que parle de lui ce soir. Si grand et si discret. Il nous a quitté sans prévenir et sans avoir vu ce film. Je sais qu'il l'a vu mais je regrette de ne pas l'entendre en parler

J'étais ici il y a deux ans. Je vivais un moment déterminant dans ma vie et en voici un autre qui changera encore mon existence. Alors la bataille continue : je tournerai toute  ma vie des films qui seront aimés ou non. Mais comme disait Anatole France :" je préfère la folie des passions à la sagesse de l'indifférence""