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Comme chaque année, L'Etrange festival a réservé son lot de surprises, d'inédits et de bizarreries blafardes ou osées. Bilan à mi parcoursC’est bien connu : si  on n’est pas à Paris en août pour préparer la rentrée, autant rester coucher toute l’année. Du coup, lorsque septembre arrive, on est prêt à partir ailleurs : à Venise, à Deauville, ou en reportage. Cette année fait exception : je suis resté parisien, et pour la première fois depuis que l’Etrange festival a repris, j’ai enfin pu aller me goinfrer au Forum des images des dernières bizarreries contemporaines.Pour célébrer l’ouverture, le festival donne une fête au Silencio, le nouveau lieu récemment ouvert, dont la déco a été confiée à David Lynch. C’est juste à côté du Truskell, rue Montmartre. On y accède par un escalier qui descend à une trentaine de mètres sous terre, pour déboucher dans une enfilade de pièces voûtées aux fonctions variées :   un salon, un bar, une scène, une piste de danse… L’atmosphère est effectivement lynchienne, avec des espaces aux lignes simples et fortes, soulignées par des éclairages  contrastés. C’est assez classe, conformément à la vocation de l’endroit, qui voudrait offrir aux créatifs de la capitale un endroit calme et exclusif, à la manière des clubs  privés anglo-saxons.Parmi les invités, il y a quelques-uns des réalisateurs , producteurs, et acteurs du film à sketches Theatre bizarre, ce qui fait pas mal de monde quand même. Dans le lot, je  salue Katriona McColl, star des films de Lucio Fulci, rencontrée quelques années plus tôt sur le tournage en Roumanie de Saint-Ange. Elle vit avec son mari dans le sud de la France où elle tient un gîte rural.  C’est toujours amusant qu’une personne aussi charmante et équilibrée soit associée à des films aussi étranges. Mais on est là pour ça.Quelques films donc : Redline, de Takeshi Koike, pourrait être considéré comme une sorte de Speed Racer en animation,  mais l’inverse (entendez que Speed Racer serait un RedLine en live) serait plus juste puisque l’animation japonaise existait longtemps avant que les Wachowski ne l’assimilent. Là, on a droit à un  pilonnage des sens tellement dense qu’il faudrait plusieurs visions pour venir à bout de ce délire inrésumable qui voit se dérouler une course  illégale sur une planète de robots. Koike, un disciple de Yoshiaki Kawajiri,  a mis cinq ans à peaufiner ce  film virtuose avec l’aide de Katsuhito Ishii (The taste of tea).Précédé d’une réputation très positive après sa présentation à Fantasia (Montréal, d’où le noyau dur des contributeurs est originaire),Theater bizarre remplit largement sa promesse de délivrer 7 sketches bien sentis sur le thème du grand guignol. Comme souvent, le niveau varie, mais les meilleurs segments (I love you de Budy Giovinazzo, Vision stains de Karim Hussein et surtout The accident de Douglas Buck) sont  d’un très haut niveau. C’est co-produit par les français de Metaluna. Bravo à eux.Dans un même esprit indépendant, Stakeland de Jim Mickle  revisite le road-movie post-apocalyptique en y ajoutant des vampires, du commentaire social et quelques autres ingrédients qui rappellent fortement L’aube des morts vivants. La vraie révélation arrive avec Kill list de l’Anglais Ben Wheatley. C’est un film dont il vaut mieux ne rien savoir à l’avance, parce qu’il révèle progressivement, et avec une grande subtilité, une mécanique très dérangeante qui va  bouleverser le quotidien d’une famille ordinaire malmenée par la crise. Supérieurement écrit et mis en scène, le film est assuré de devenir un classique du fantastique anglais.A côté, 22nd of may du belge Koen Mortier est assez blafard : on y suit un gardien de centre commercial, survivant d’un attentat à la bombe, qui se découvre la capacité de revenir dans le passé pour apprendre à connaître les victimes, et cherche du même coup à empêcher l’attentat. Ecrit comme ça, ça a presque l’air intéressant, mais la logique du film est tellement incohérente qu’on est très vite largué. On a eu le droit à beaucoup d’autres films intéressants : les valeurs déjà assurées (DriveTake shelter), ceux qui donnent envie de vérifier (Meat, The clinic),  ceux qu’il ne faut pas rater (Guilty of romance et Cold fish de Sono Sion), sans oublier les plaisirs coupables (Milocrorze, El Infierno, Endhiran-Robot the movie).Un très bon millésime.