Le Pacte

Depuis le milieu des années 50, Agnès Varda a dessiné l’une des trajectoires les plus singulières et limpides du cinéma français. Son œuvre tour à tour légère et grave, aura accompagné les révolutions de la société. Voyage à travers ses films.

La pointe courte (1954)

Née en 1928 en Belgique, Agnès Varda grandit à Sète. C’est dans cette ville du Sud qu’elle va faire les rencontres décisives de sa vie: Jean Vilar et Jacques Demy. Passée par les Beaux-Arts de Paris et le Théâtre National Populaire, elle réalise son premier long-métrage dans le quartier populaire de La Pointe Courte qui sert de toile de fond au délitement d’un couple interprété par Silvia Monfort et Philippe Noiret. Ce film monté par Alain Resnais signe les prémices de la Nouvelle Vague.

Cléo de 5 à 7 (1961)

Alors que la Nouvelle Vague vient tout juste d’exploser au visage du monde entier, Agnès Varda va confirmer la liberté de son cinéma. Cléo de 5 à 7 suit presque en temps réel une jeune femme qui erre dans les rues de Paris pour tromper son angoisse avant de récupérer ses examens médicaux. Au gré de ses rencontres, Cléo - interprétée par Corinne Marchand – va se confronter aux doutes de l’existence. Un chef d’œuvre émouvant, ludique et lucide.

Le bonheur (1965)

Un tournesol en gros plan, des amoureux qui s’enlacent fougueusement au pied d’un arbre, un menuisier au travail, un repas champêtre… Le bonheur selon Agnès Varda n’est composé que de choses à priori simples, anodines - presque invisibles - que sa caméra vient pourtant saisir pour en révéler toute la puissance émotionnelle. Mais Varda n’est pas dans la béatitude et observe aussi bien le soleil que les nuages. Et le couple que l’on voit s’aimer à l’écran pourrait bien être menacé par l’arrivée d’une troisième personne. Ce film a obtenu le Prix Louis Delluc et un Ours d’argent au Festival de Berlin, avec à la clef, lors de sa sortie dans les salles françaises, un parfum de scandale pour l’amoralité supposée de ce film qui évoque l’adultère sans le condamner.  

Sans toit ni loi (1985)

En près de 20 ans, Agnès Varda va accompagner de sa caméra les révolutions qui secouent les mœurs et la politique en Occident : Lions loves, L’une chante l’autre pas... Avec Sans toi ni loi, porté par la fougue sauvage de Sandrine Bonnaire qui reçoit pour sa prestation le César de la Meilleure actrice, la réalisatrice retrouve les faveurs d’un large public. Sans toit ni loi suit sur un mode réaliste le parcours chaotique d’une SDF ballottée de toute part.  


Jacquot de Nantes (1990)

L’histoire d’amour du couple Agnès Varda - Jacques Demy est l’une des plus belles du cinéma. L’une et l’autre se sont s’accompagnés dans toutes leurs audaces de cinéma. Ce Jacquot de Nantes est une lettre d’amour filmée de Varda à son mari. Ce biopic s’intéresse principalement à l’enfance du réalisateur des Parapluies de Cherbourg. Jacques Demy très malade meurt le 27 octobre 90 alors que le film n’est pas encore achevé. Jacquot de Nantes reste un émouvant hommage à l’un des plus importants cinéastes de l’histoire. 

Les glaneurs et les glaneuses (2002)

Beaucoup de peintres (Jean-François Millet, Jules Breton…) ont choisi comme sujets des glaneurs et des glaneuses, célébrant ainsi la vie campagnarde et la dureté du labeur. Agnès Varda armée d’une petite caméra a tous ces tableaux en tête lorsqu’elle décide de poser son regard sur des hommes et des femmes d’aujourd’hui qui, en marge des marchés, autour des supermarchés, à la campagne, à la ville ou à la mer, ramassent des fruits, des légumes voire des objets, que plus personne à part eux ne veut. Ses « déchets » sont bien-sûr des « trésors ». Agnès Varda, magicienne infatigable du quotidien, parvient à révéler toute la beauté de ces gestes et dessinent des portraits sensibles d’inconnus. C’est aussi une subtile réflexion écologique sur la société.

Les plages d’Agnès (2008)

Si la ville de Sète occupe une place fondatrice et affective dans le coeur d’Agnès Varda, la rue Daguerre dans le 14ème arrondissement de Paris et l’île de Noirmoutier en Vendée, sont devenus de solides points d’ancrage. Tous ces territoires forment l’arrière plan de ces Plages d’Agnès, magnifique autoportrait de la réalisatrice. Le film révèle une vie foisonnante et furieusement créatrice.

Visages, villages (2016)

Agnès Varda et l’artiste J.R co-réalisent ce documentaire à l’allure de road-movie dans toute la France. Le duo s’arrête dans des villages et célèbre à leur manière des inconnus rencontrés au hasard avec l’installation d’énormes portraits d’eux collés sur les murs des habitations. Outre la captation de cet happening artistique itinérant, se dévoile peu à peu la complicité d’Agnès Varda et JR qui deviennent les deux protagonistes de leur propre film. Il est beaucoup question du temps qui passe et de la jouissance de l’instant. Dans un geste subtilement mélancolique, Varda rend en bout de course un hommage à l’invisible Godard. Ce film présenté hors compétition au festival de Cannes, a été présenté dans de nombreux autres festivals internationaux.