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Eli Joshua Adé / © 2023 Universal Studios. All Rights Reserved.

Après Halloween, David Gordon Green reboote sans sourciller L’Exorciste, mais avec un sous-titre VF qui résume bien son rapport au film de William Friedkin : Dévotion.

Première : C’est donc officiel, vous êtes le spécialiste des reboots des grands classiques de l’horreur.
David Gordon Green : Ah ah, non ! J’ai plein de projets dans les tuyaux qui n’ont rien à voir. Mais il est vrai que j’ai acquis un certain statut dans l’horreur avec la trilogie Halloween. J’ai la liberté après laquelle j’ai toujours couru. Je me suis battu pour pouvoir exprimer ma créativité et pour que plus de dix personnes aillent voir mes films au cinéma. (Rires.) C’est super cool ; maintenant, il faut que je sois malin dans mes choix.

Mais s’attaquer à L’Exorciste, c’est une autre paire de manches que Halloween.
Oui, je confirme. C’est extraordinairement différent d’un point de vue artistique et technique : Halloween est plus un film de monstre, de boogeyman caché dans le placard. L’Exorciste, c’est du domestic drama cérébral, horrifique et inquiétant. Écrire un film Halloween, c’est un grand huit, un looping après l’autre. Pour L’Exorciste, c’est un peu plus délicat... Plus clinique. Peut-être même plus académique.

L'exorciste - Dévotion
Universal

Il y a quand même des liens avec vos deux derniers Halloween, qui parlaient de la contamination de la société par le Mal à travers les traumatismes... La possession n’est pas si loin. C’est une façon de prolonger l’idée ?
Oui, il y a effectivement une continuité, mais j’aborde ici le sujet d’un pur point de vue spirituel. Ce qui m’intéresse, c’est observer la structure de nos croyances et de nos institutions religieuses aujourd’hui, et l’incertitude qui va avec. Comme le premier Exorciste à son époque. Je respecte beaucoup les suites, mais aucune ne m’a marqué comme le film de William Friedkin...

... qui se fichait éperdument de ce reboot et a refusé d’y apposer son nom.
Totalement compréhensible. Si quelqu’un voulait remaker mes films, je ferais pareil. Ce qui me met un sacré poids sur les épaules avec L’Exorciste : Dévotion, j’en suis bien conscient ! C’est une malédiction autant qu’une bénédiction. Je sais que je ne pourrai jamais exactement imiter ce qu’a fait Friedkin : le langage des films de possession − et des films en général − a drastiquement évolué en cinquante ans. Impossible de contenter le public avec la même ambiguïté et la même subtilité que Friedkin. Mais j’essaie d’appliquer son authenticité tout en parlant à des spectateurs contemporains, qui ont une autre façon d’assimiler les films et d’être divertis au cinéma.

Dans L’Exorciste : Dévotion, les démons sentent le réchauffé [critique]

Complexe.
Oui, mais l’exercice est très amusant. Friedkin a fait un film slow burn, jamais démonstratif. Aujourd’hui, le public en veut pour son argent. Donc il faut trouver le juste milieu. Je n’ai pas envie de m’appesantir sur les scènes d’exposition, mais je dois jongler avec le goût des spectateurs ! J’aime le challenge de réinterpréter ce classique d’une façon qui me ressemble. Je me donne le droit de m’amuser avec les clichés ou avec l’utilisation de Tubular Bells. Mais jamais de fan service, promis !

L'Exorciste : Dévotion, avec Leslie Odom Jr., Olivia Marcum, Lidya Jewett... Actuellement au cinéma. Bande-annonce :