Solo A Star Wars Story
Lucasfilm Ltd. & ™, All Rights Reserved. / Jonathan Olley

TF1 diffuse dimanche soir pour la première fois le spin-off de Star Wars qui dévoile les origines de Han Solo. Rencontre avec le réalisateur Ron Howard.

C’était une mission compliquée : raconter les origines de Han Solo, le personnage le plus cool de la galaxie Star Wars, sans Harrison Ford. Elle est devenue quasiment impossible quand, après six mois de tournage, les deux réalisateurs ont été virés. Au moment de la sortie au cinéma, Ron Howard nous racontait comment il a terminé Solo : A Star Wars Story.

PREMIÈRE : Difficile de commencer cet entretien sans parler du départ de Phil Lord et Chris Miller, largués au milieu de la production. Comment s’est passé votre parachutage sur le plateau?
RON HOWARD : C’était très intimidant, d’abord parce que la responsabilité était très lourde. Il y avait la pression immédiate, avec une deadline à tenir. Mais, au-delà de ça, il fallait que je rassure tout le monde, parce que les circonstances étaient vraiment compliquées. Aucun film ne devrait en passer par là, et aucun réalisateur ne devrait vivre un truc pareil. En acceptant ce job, je plongeais en pleine incertitude. Mais je dois quand même avouer que c’était très excitant. Si je n’avais pas vu dans ce scénario et ce groupe d’acteurs d’immenses possibilités, j’aurais refusé. 

Le film de Miller et Lord était bien avancé. Vous avez gardé beaucoup de scènes déjà tournées?
(Court silence.) Certaines. Mais j’ai retravaillé le script et les choses ont continué à évoluer... (Silence.) Vous savez, je n’ai pas envie que le public pense à cela. C’est le genre de film dans lequel il faut s’immerger, et ça m’ennuierait que les spectateurs regardent Solo en se demandant quelles scènes ont été gardées, quelles autres ont été retournées. Au fond, tout ça, c’est de la cuisine interne.

Mais ça change forcément la manière dont vous travaillez. Le tempo du tournage, les choix... Vous vous êtes retrouvé seul sur ce film.
Oui, alors que j’adore travailler en équipe. Normalement, sur un film de cette envergure, il y a des mois, voire des années de préparation en amont pour réussir à développer une vision commune. Pour Solo, j’ai utilisé le scénario et les acteurs... et je me suis libéré de tout le reste. Du moment où j’ai dit oui jusqu’à ce jour, tout était tout le temps en mouvement. Alors, il a fallu être souple. Je n’ai eu le temps de penser à rien, j’ai dû apprendre à me faire confiance en me disant : « OK, voilà l’histoire à laquelle je crois. Let’s go ! » C’était vraiment le mantra du film.

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Pardon pour cette évidence mais Han Solo est un personnage iconique de la saga. Est-ce que vous savez pourquoi il a cette place si particulière dans Star Wars – et plus généralement la pop culture?
La réponse courte, c’est qu’il est cool, sexy et fun. Mais, en regardant mieux, on se rend compte que le personnage est plus complexe que cela. Sous son vernis désinvolte se cache un type plein de paradoxes. C’est ce qui le rend si touchant d’ailleurs. Et évidemment, Han Solo doit une bonne partie de son statut à la franchise Star Wars elle-même. Si elle parle à autant de gens, et différemment selon les moments de leur vie, c’est grâce à une harmonie que je n’avais pas réellement comprise avant de travailler dessus. En me plongeant dans cet univers, j’ai découvert la recette extrêmement précise que George Lucas a développée au fil du temps : un mélange d’humour, d’action, de SF exotique, de tendresse, d’humanisme et de vrais enjeux dramatiques. Si l’équilibre n’est pas respecté, ce n’est plus Star Wars.

George Lucas, justement, est venu visiter le tournage et vous a aidé à diriger une scène. C’est difficile d’échapper à son influence ?
Surtout quand il vous donne une bonne idée ! (Rires.) Il est venu le premier jour de tournage pour m’apporter son soutien. Il était très respectueux et silencieux. À un moment, on s’est mis à parler de la façon dont Han Solo devrait se comporter dans la scène qu’on allait tourner. Je travaillais sur une nouvelle idée qui n’était pas dans le scénario, on inventait en temps réel. George a dit : « Hmmm, en réalité Han ne ferait pas ça, il ferait ça. » On a suivi son conseil et cela a donné un joli moment dans le film. J’ai même essayé de le retenir un peu plus longtemps mais il est parti ! 

C’est amusant cette formulation « en réalité ». Le personnage est tellement iconique qu’on pourrait presque croire qu’il a vraiment existé. Vous avez pensé le film comme un biopic ?
J’ai travaillé comme pour Rush ou Apollo 13 : dans ma tête, c’est une histoire vraie, comme si le scénario était basé sur une biographie de Han Solo. (Rires.) Sur un film historique, il y a des conseillers techniques qui vous aident à ne pas trop vous éloigner de ce qui s’est réellement passé. J’ai utilisé de la même façon le savoir encyclopédique des équipes de Lucasfilm et d’ILM. Ce que je voulais, c’était trouver ma propre voix dans cet univers. J’avais procédé de la même manière pour mon documentaire sur les Beatles [The Beatles : Eight Days a Week]. J’ai cherché les questions qui m’intéressaient le plus et raconté l’histoire à travers ce prisme.

Lucasfilm définit Solo comme un mix entre western et film noir. Ça vous va ?
C’est avant tout l’aventure fondatrice de Han Solo, celle qui a fait de lui le personnage qu’on connaît. Un rite de passage. Je me posais plein de questions sur la jeunesse de Han. Comment était ce type avant La Guerre des étoiles ? Et le script répond à ces questions de façons surprenantes. On sait qu’il aime le risque et qu’il va finir contrebandier. Dans le film, il est naturellement en marge du système, jamais vrai- ment dedans mais pas totalement dehors non plus. On découvre les relations et les choix qui l’ont forgé. Au fond, c’est l’histoire d’un jeune homme qui se bat pour acquérir sa liberté.

Alden Ehrenreich a l’énorme responsabilité de prendre la suite de Harrison Ford. Vous l’avez dirigé comme vous imaginez que Ford l’aurait joué ?
Ça aurait été ma pire erreur : il fallait qu’Alden s’approprie le rôle. Harrison avait accepté de dîner avec lui, mais il ne lui a pas trop donné de conseils, à part qu’il devait « créer son propre personnage ». J’étais curieux, alors je l’ai appelé. Je crois qu’il se sentait plus libre de me parler de Solo qu’à Alden. Il m’a mis en garde : « J’espère que tu ne vas pas lui demander de m’imiter. » Personne n’avait envie de ça même si l’esprit du personnage tel qu’il l’avait défini est resté dans un coin de notre tête. Mais il ne faut pas oublier que le Han Solo de Harrison Ford n’a jamais eu à porter un film.

Vous avez appris des choses sur Han Solo que vous ne soupçonniez pas ?
Oui mais je ne vais pas trahir Harrison en dévoilant ce qu’il m’a dit. Beaucoup de choses sont liées à la complexité et la vulnérabilité de Solo, et son rapport aux autres l’aide à se définir. Ce qui tombe bien parce que c’est là-dedans que je me sentais à l’aise : la technologie de pointe est un joujou amusant mais, en tant que réalisateur, mon vrai plaisir est de donner vie à des personnages aussi complexes et divertissants que possible.