Linha De Passe

Le nouveau film de Walter Salles et Daniela Thomas, pour lequel Sandra Corveloni a remporté le prix d'interprétation à Cannes, ausculte le quotidien du Brésil et sa violence « normale » avec un réalisme saisissant. Bizarre, dès lors, que cette plongée âpre dans une famille brésilienne ne génère pas plus d'émotion.  Douze ans après Terre lointaine, Walter Salles voulait regarder les changements survenus au pays de Lula en misant à nouveau sur la fraîcheur d'acteurs novices. Pour réaliser son instantané, il a choisi une famille dont les rapports sont régis par l'absence du père. Soit une mère célibataire, à nouveau enceinte, et ses quatre fils : un apprenti évangéliste, un aspirant footballeur, un coursier et un petit dernier qui se cherche un papa (« trop noir ») jusque dans les autobus. Ils manquent tous de (re)pères et illustrent difficultés et rêves du Brésil d'aujourd'hui. Rien de spécialement original donc, dans ce point de départ qui utilise les représentations classiques d'un pays où la survie passe par la foi, le football ou la délinquance. Heureusement, Walter Salles assume ses stéréotypes sans sombrer dans le cliché creux grâce à un souci de réalisme constant. Il a en effet construit son récit en s'appuyant sur les documentaires (sur le football et les évangélistes) réalisés par son frère, Joao. Le football y est plutôt bien filmé, sans emphase, de même que les cérémonies évangélistes, agaçantes de bêtise, mais bien compréhensibles si l'on considère le besoin de croire dans lequel la difficulté du quotidien enferme les paroissiens. A l'image des scènes motorisées (coursier, vol à la tire), la réalisation saisit joliment la ville dans son vibrant et bouillonnant tourbillon qui menace d'engloutir les plus faibles. Elle installe ainsi un constant sentiment d'insécurité et souligne la violence, induite par la précarité, qui s'invite naturellement dans les rapports familiaux. Par ailleurs, la minceur de la frontière entre la délinquance et la rédemption via le football, le travail ou la religion est plutôt habilement scénarisée.En dépit de ces nombreuses qualités, on reste un peu indifférent à ces parcours difficiles car probablement trop nombreux (ceux de la mère et de chacun de ses enfants) pour s'y plonger vraiment. Du coup, malgré un montage soutenu, chacun finit par se diluer au profit du suivant. Au final, l'efficacité dramaturgique d'Une famille brésilienne souffre probablement d'une ambition de départ trop vaste pour nous toucher au coeur.Une famille brésilienneDe Walter Salles et Daniela ThomasAvec Sandra Corveloni, Joao Baldasserini, José Geraldo Rodrigues  - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire les fils festival de cannes, sélection officielle, brésil sur le blog cinéma