Toutes les critiques de Transylvania

Les critiques de Première

  1. Première
    par Nicolas Schaller

    Asia Argento ne joue pas, elle vit Zingarina. Gatlif la filme envoûtée, possédée (fascinante scène d’accouchement sous exorcisme), parfois hystérique. Mais évite de justesse la complaisance grâce à son approche viscérale et musicale. La méthode du chef d’orchestre Gatlif consiste à improviser au tournage puis composer au montage. (…) Unique en son genre, son cinéma-sarabande sonde la douleur (d’aimer, d’exister), exalte la misère (des marginaux) et fête la liberté. Apprécier Transylvania exige donc de s’abandonner au bon vouloir de cet esthète de l’errance et de l’esprit bohème.

Les critiques de la Presse

  1. Fluctuat

    Supporter la vulgarité et l'exhibitionnisme d'Asia Argento et ne pas être hermétique au folklore tsigane : voici les conditions sine qua non pour se laisser prendre par le nouveau film de Tony Gatlif. Si l'image de l'actrice hurlant telle une hystérique dans les plaines transylvaniennes enneigées ne provoque ni rejet ni désintérêt, alors le film réussira son pari : faire partager l'errance et l'abandon de soi, la liberté retrouvée au contact d'une musique, d'une terre et de ses habitants.
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    - vos impressions ? discutez du film Transylvania sur le forum cinémaDepuis ses premiers films Corre Gitano (1981) et Les Princes (1982), on connaît la fascination de Tony Gatlif pour le peuple gitan. A travers l'affection qu'il leur porte, le cinéaste filme à la fois son éternel portrait d'exilé et son amour des marginaux. Son cinéma est ainsi fait d'errance, de voyage, de personnages déracinés partant à la rencontre du monde, des autres, d'une culture et finalement d'eux-mêmes. Tel était Gadjo Dilo (son plus grand succès public récent, sans compter le prix de la mise en scène à Cannes en 2004 pour Exils) qui est un peu un Transylvania au masculin. A la différence qu'ici, à travers l'histoire d'une jeune femme enceinte, partie de France pour retrouver son amant roumain qui l'a quittée après une expulsion, Tony Gatlif filme avec une mise en scène et un montage plus visibles, et de manière moins linéaire, un récit qui ne cesse de s'accorder avec l'évolution climatique son personnage.Transylvania est ainsi découpé en plusieurs phases traduisant chacune un état de conscience malade ou d'éveil de Zingarina, son héroïne (Asia Argento). Toute la première partie, l'enquête et la quête amoureuse à la recherche de Milan (le pianiste et amant déchu), est enveloppée et rythmée par la musique tsigane. Le début du voyage et la rencontre d'un autre territoire, d'abord à plusieurs (Zingarina est accompagnée d'une amie et d'une guide), se fait donc par l'intimité nouvelle d'une culture et d'un folklore qui lentement prend possession des corps et des êtres. D'abord l'exaltation, la danse et la joie, avant les retrouvailles fatidiques, puis le vampirisme et la perte de contrôle de soi lorsque les illusions d'un amour désormais impossible s'effondrent. Premier tiers du film que Gatlif structure parfois assez admirablement en jouant sur des sensations rythmiques de pures découvertes et d'ivresse où se mêlent fascination, séduction et exotisme, pour passer ensuite à une atmosphère plus anxiogène menant inexorablement à une rupture.La transformation progressive d'un être
    Arrive alors l'errance et les premières phases de mutation de son héroïne. Seule sur les routes hivernales de Transylvanie, traversant les ruines d'un paysage où les friches industrielles de l'ère post Ceausescu ont remplacé les châteaux draculéens, Zingarina s'enfonce dans les terres d'un pays dans lequel elle finit presque par se fondre. De rencontre en rencontre, d'abord un jeune vagabond auquel elle essaie de s'attacher vainement, puis Tchangalo, lui aussi un nomade vivant de petit trafic et qu'elle avait croisé un peu plus tôt, elle est à la recherche d'une âme soeur, d'un protecteur, d'un être qui veillerait enfin sur elle pour cicatriser les blessures de son amour trahi. Ici Gatlif efface un peu plus son dispositif pour laisser parler son récit et faire vivre les paysages en les raccordant aux visages. La lumière, toujours crépusculaire, fait émerger une atmosphère étrange où le fantastique renvoie aux croyances et à la superstition d'une culture qui lentement contamine l'héroïne. Tout avance avec cette idée que l'enfant qu'elle porte en elle agirait comme un virus prenant possession de son corps et son âme. Arrivée habillée telle une parisienne, elle finit par se vêtir de tous les attributs d'une bohémienne, jusqu'à une scène clé d'exorcisme où son apparence se fait couleur locale.L'idée de la rencontre culturelle et humaine passe ainsi par une transformation progressive de l'être au contact d'une musique, d'une terre et de ses habitants. L'errance traduit ici la possibilité d'une liberté retrouvée, dès lors qu'un abandon total de soi et surtout du passé se réalise en se fondant dans une nouvelle réalité. Cette idée de métamorphose avec laquelle joue Gatlif permet de rendre parfaitement cohérente l'humeur changeante de son héroïne. Plus qu'une histoire d'amour déchue et une nouvelle rencontre, le film raconte d'abord comment un être perdu et sans attache (capable de parler trois langues dans la même conversation) va se trouver un nouvel habitat où enfin se reposer pour vivre en paix avec soi-même, avec la promesse d'une famille à construire. De l'obscurité à la lumière, de la passion chaotique à la sérénité, Gatlif filme son héroïne avec une affection égale à celle qu'il porte pour les visages de ce peuple qu'il aime tant. Derrière Transylvania, l'autre étranger qui vient habiter ces terres, c'est évidemment le cinéaste. Ce qui revient à dire qu'il filme toujours un peu la même histoire, mais, franchement, pourquoi le lui reprocher ? Chacun a droit à ses territoires.Transylvania
    Réalisé par Tony Gatlif
    Avec Asia Argento, Amira Casar, Birol Ünel
    France, 2005 - 103mn
    Sortie en France : 4 octobre 2006
    [Illustrations : © Pyramide Distribution]
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